Réduire les déficits sans casser la reprise mondiale

Chronique de Gérard Delahaye :

Les sommets du G8 et G 20 vont débuter ce vendredi 25 juin à Toronto.
Si une certaine convergence  s’était faite précédemment jour quant à la nécessité d’apporter des réponses communes à la hauteur des enjeux apparus après le déclenchement de la crise économique et financière en 2008, de fortes interrogations subsistent quant à la vigueur de la reprise, en raison de l’inflexion des politiques européennes qui semblent désormais focalisées sur la seule réduction des déficits public.

Le secrétaire américain du Trésor Tim Geithner et le conseiller économique à la maison Blanche Laurence Summers,  se sont à juste titre émus des risques que fait peser cette politique d’austérité européenne pour la reprise mondiale.
« Nous devons montrer notre engagement à réduire les déficits à long terme, mais pas au prix de la croissance à court terme insistent-ils dans une tribune adressée au Wall Street journal. « Sans croissance maintenant, les déficits vont augmenter et mette à mal la croissance à venir ». S’il ne s’agit pas pour les dirigeants européens de suivre docilement les prescriptions édictées par Washington, reconnaissons que les avertissements de Barak Ozama exhortant ses collègues du G20 à être souples pour assurer le rythme de la consolidation budgétaire méritent d’être entendus. Cette inquiétude est intellectuellement et politiquement fondée et recoupe totalement les mises en garde adressées par le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz et un certain nombre d’économistes européens de grand renom occultés par les grands médias d’information.
C’était cette inquiétude qui avait inspiré à la gauche Moderne l’envoi d’une lettre ouverte à la majorité adressée par LGM à ses partenaires.
Notre président Jean-Marie Bockel a souhaité ne pas rester silencieux sur ce sujet en opérant une critique salutaire des politiques d’austérité conduite partout en Europe sauf en France, afin de dissuader la majorité de s’y convertir et d’infléchir cette orientation qui risque par effet cumulatif de générer un cycle de récession et de déflation qui repousserait hors de l’agenda tout objectif de croissance et qui risquerait de fragiliser gravement les espoirs de reprise de l’économie mondiale.  Tel était le sens de la contribution signée par Jean-Marie Bockel et publiée sur le site du quotidien La Tribune. Les chiffres corroborent tout à fait cette mise en garde : le PIB de la zone euro n’a progressé que de 0,2% au premier trimestre 2010. après une stagnation au trimestre précédent.
Quoi penser alors de ce chiffre magique de 3% de déficit budgétaire par rapport au PIB érigé en credo de façon obsessionnelle par les autorités monétaires de la zone euro ? . Ce chiffre a été calculé par des économistes qui ont considéré que si l’inflation est de 3% pour que la dette ne dépasse pas les 60% du PIB, alors il faut impérativement que le déficit ne dépasse pas 3%. Ce raisonnement n’a de sens que si la croissance est au moins égale à 3%. Or aujourd’hui on est à 8% de déficit et à 1,4% de croissance.
Nous sommes confrontés à un vrai dilemme soit réduire les déficits dans un délai record – mais pourquoi une telle précipitation – ce qui équivaut à décider consciemment de vouer les économies de la zone à la récession, tuer en clair tout espoir de restauration d’une croissance, dont les taux étaient déjà bien atones avant l’occurrence de la crise financière.
A l’évidence, aucun esprit sensé ne peut être opposé à la réduction des déficits. Faut-il pour autant comme nous y incite Didier Migaud, le Président de la Cour des Comptes, considéré – avant cette nomination qui l’assujettit certes au devoir de réserve – comme un proche de Laurent Fabius dont on se souvient qu’il fût un partisan du non au référendum concernant le TCE à prendre des mesures massives immédiates, à geler les salaires des fonctionnaires, à limiter les prestations sociales, Cette potion amère émane du Président de la Cour mais n’est t-elle pas le non dit de l’opposition socialistes plus audible sur la réforme des retraites que sur la politique économique de la France ? S’il s’agit de réduire radicalement l’ensemble des niches fiscales, il faut être conscient que cela veut dire augmenter les impôts, réduire le revenu, donc la consommation, donc la croissance. C’est la raison pour laquelle il faut être plus circonspect quand on parle de réduire les niches fiscales, les mots ont un sens et entraînent des conséquences concrètes. En clair faut-il adopter une politique de déflation, celle-là même qui a été conduite dans les années 30 en France et en Allemagne et qui a entraîné la Grande dépression. Sommes nous condamnés à répéter les mêmes erreurs connues de l’histoire économique, ou devons-nous chercher à l’occasion de ce G20 et surtout de celui qui se déroulera à paris en 2011 les conditions d’un New Deal.
A n’avoir l’œil que fixé sur le « spread des taux »  c'est-à-dire le différentiel des taux d’intérêt sur la dette publique, il est à craindre que nous perdions les bénéfices du volontarisme mise en œuvre par le Président de la république, lors des épisodes précédents de la grande Crise que nous continuions de traverser sous une nouvelle forme.
Il est à craindre que certains dirigeants européens fassent montre d’un certain autisme à l’égard des risques générés  par le choix de réduction des déficits publics qui pour nécessaires qu’ils soient ne peuvent être conduits à marche forcée.
Enfin est-il tout à fait raisonnable que nos amis allemands imposent, même si Wolfang Shaüble s’en défende, un modèle de vertu budgétaire à la zone euro qui présente une très forte hétérogénéité qui n’a cessé de s’amplifier depuis l’avènement de la monnaie unique. Que dire d’un gouvernement économique de la zone euro, qui ne serait qu’une instance disciplinaire de contrôle des politiques budgétaires, faudrait-il rayer du dictionnaire de chacun des Etats membres le mot de croissance ? Disons-le sans hypocrisie, si la politique est bien l’art du rapport de forces, ce ne serait pas mettre en danger l’amitié franco-allemande que de résister à la pression exercée par l’Allemagne pour imposer à ses partenaires un modèle faussement vertueux qui creusera les déficits de demain et risquerait de conduire certains Etats à organiser leurs défauts de paiement, là où il serait préférable de monétiser les dettes. Ainsi si nous souscrivons à lutter ensemble contre des déficits excessifs, il ne faut pas confondre vitesse et précipitation en oubliant que la crise des dettes publiques est fille de la crise précédente née de la dette privée.
Faudrait-il se résigner à ce que la zone euro devienne un clone du Japon  caractérisé par des revenus salariaux et une demande des ménages faibles, une croissance reposant sur les seules exportations et les investissements associés ? Faudrait-il tirer un trait sir la politique industrielle là où elle subsiste, accepter une déformation du partage des revenus au détriment des salariés ? La réponse doit être selon moi catégoriquement non. Elle implique que la majorité se dote d’un axe clair, qui est la condition indispensable à la restauration de la France et à la victoire de son candidat naturel  lors de l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy.
Tels sont en les enjeux de Toronto. S’il convient d’avancer ensemble dans le sens d’une meilleure régulation du système bancaire et financier, qui passe par un retour à la règlementation, la question de l’avenir de la zone euro est désormais un élément essentiel de l’équation.
La France doit préserver sa singularité dans ce débat et ne pas céder aux sirènes d’une orthodoxie aveugle et inconséquence parce qu’oublieuse des enseignements de l’histoire.
La Gauche Moderne si elle veut véritablement mériter son titre d’aile gauche de la majorité doit oser dire ce qu’elle pense. C’est ce qu’a commencé à faire Jean-Marie Bockel dans cette tribune précitée, il faut l’aider pour aider la majorité à trouver son vrai centre de gravité dans un contexte lourd de dangers.
Il faut ainsi préparer les conditions d’un vrai sursaut lors du G20 de 2011 qui se déroulera à Paris. Ce sera l’étape ultime pour refonder le système monétaire international, arraisonner la finance, revenir à la règle. S’il faut un nouveau Bretton-Woods, il faut savoir tourner le dos aux recettes erronées d’un prêt à penser qui ne pourrait que conduire les peuples européens dans la spirale du déclin. L’Europe mérite mieux, la France a encore des rendez-vous avec l’histoire. Mais elle doit savoir faire preuve d’indépendance, de liberté de pensée et de refus des conformismes dévastateurs.

Gérard Delahaye