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Sénateur du Haut-Rhin


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J-M Bockel : «Vieux réseaux de la Françafrique - Moins d'influence mais ils existent toujours»

Publié le 15 Octobre 2012

Jean-Marie Bockel : «Les vieux réseaux de la Françafrique ont peut-être moins d'influence mais ils existent toujours»

Le discours de Dakar et l'entente saine affichée par le président sénégalais Macky Sall et François Hollande laissent entendre que les choses changent dans les relations franco-africaines. Peut-on nécessairement en déduire que la Françafrique touche à sa fin ?

Atlantico : A tous les débuts de quinquennat on annonce qu’il faut en finir avec la Françafrique. Lors de sa visite à Dakar, François Hollande s’est associé à Macky Sall pour assurer que désormais les relations entre la France et le Sénégal s’établiraient sur la base de coopérations saines. Vous qui avez été secrétaire d’Etat délégué à la coopération et à la Francophonie. Cette annonce diplomatique peut-elle laisser penser que l’on est définitivement entré dans l’ère de l’effacement de la Françafrique ?

Jean-Marie Bockel : C’est un domaine particulier et il s’agit de ne pas passer trop vite de l’ombre à la lumière. Je me retrouve complètement dans certains passages du discours de François Hollande, cependant il ressemble beaucoup à d’autres discours qui ont été tenu dans la période précédente, je  pense notamment au discours de Nicolas Sarkozy à Cotonou ou encore au Cap. Au-delà de ça, reste à voir la manière dont ces paroles seront mises en pratique. Je n’ai aucune raison de douter de la sincérité du président Hollande quant à ses relations à l’Afrique, je considère également qu’il a pris la juste mesure aujourd’hui dans son discours de ce qu’est l’Afrique en mettant en avant une vision dépourvu de misérabilisme, pragmatique, d’un continent en plein développement, en pleine croissance ou la corruption, la pauvreté et la guerre, en dépit du fait qu’elles existent encore, reculent et ou la démocratie, l’alphabétisation et le développement économique progressent. C’est une Afrique qui doit être un partenaire, et quand François Hollande parle de «partenariat sincère», c’est une position que je partage car c’est un continent où la France a des intérêts économiques, où nous partageons une Histoire, c’est d’ailleurs le but de la Francophonie. Par ailleurs, il s’agit de ne pas d’ oublier que depuis dix ou quinze ans d’autres puissances telles que la Chine ou le Brésil ont trouvé leur place au détriment de la nôtre. La Françafrique est une survivance qui s’est transformée en Afrique-France, qui se composent de vieux réseaux qui ont du mal – désormais – à trouver leur place et à se faire entendre. Le fait que l’on veuille tourner la page est très encourageant.


Peut-on espérer que ce nouveau cap enterre les tendances qu’ont certains dirigeants de se justifier de mauvais choix par la survivance de ces anciens réseaux ?

Certains réseaux existent toujours, d’autres ont moins d’influence qu’avant mais peut-être pas encore suffisamment. C’est vrai que de mon temps il y avait déjà une prise de distance, mais encore inachevée. La preuve c’est que j’ai été démis de mon poste et c’est certainement parce que ces réseaux ont relayés un certain nombre d’intérêts que j’avais pu bousculer alors. Je pense que l’état d’esprit du président, la manière dont il a structuré la relation avec l’Afrique – notamment par la disparition de la cellule afrique – avec le ministère de la Coopération, le ministère du développement international qui développent une vision, je crois, assez saine, vont permettre de continuer à affaiblir ces réseaux si toutefois ce cap est gardé tout au long du quinquennat. Mais ce qui compte au fond, c’est que la politique de relation avec l’Afrique soit sincère et saine avec une vision lucide de ce qu’est l’Afrique aujourd’hui avec son développement économique et politique, et que toutefois, nos atouts soient conservés. Mais le tout est que cela soit fait sans condescendance et dans le respect de nos valeurs.


Un tournant s’amorce donc. Pour autant, doit-on craindre des phénomènes que les observateurs ont nommé la Chinafrique ?

Ce qui est capital, c’est de comprendre que malgré les remontées, les vieux réseaux sont sur la fin et il faut s’en réjouir. D’autre part, les relations que nous entretenons en Afrique sont réelles et particulièrement avec l’Afrique francophone. Cependant, nous devons aussi travailler sur la redéfinition de nouvelles relations sincères car le continent ne nous attend pas et a su tisser des relations fortes avec d’autres pays, c’est vrai.

Pour vivre cette nouvelle configuration plus sereinement, nous pouvons néanmoins compter sur nos atouts, qui résident principalement dans la Francophonie, mais aussi dans une attente de la France envers l’Afrique : en effet, les africains comprennent que la France peut leur apporter d’autres choses que les investissements seuls qui se parfois vont dans des projets non adaptés.


Il a donc des aspects de continuité dans le discours prononcé par François Hollande. Cela veut-il dire que la vision des relations France-Afrique sont les mêmes pour la gauche et pour la droite ou au contraire que des variations subsistent ?

Il semble que pour le gouvernement actuel ai mis l’accent sur la coopération. Mais de toute façon, sur ce sujet on n’est pas dans une relation de politique politicienne, mais bien sur des positionnements qui doivent transcender les clivages. François Hollande imprime sa marque, le tout c’est que ces dispositions soient suivies d’effets.

Propos recueillis Priscilla Romain

 

Retrouvez cet article paru le 13 octobre 2012 sur le site www.atlantico.fr