La Réforme juste,
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Autres textes :Le Manifeste Pourquoi le social-libéralisme ? |
Nous vivons l’époque de la globalisation de la production, de la consommation et de la communication. La mondialisation, qui fait de la terre le village global où les humains peuvent rêver de se comprendre mieux, mais qui échappe si souvent à la volonté démocratique, s’impose à nous. Il est légitime de se donner les moyens de se protéger de ses menaces et de corriger les graves dérives qu’elle provoque, comme la financiarisation extrême et sans contrôle de l’économie. Il faut aussi savoir saisir les opportunités de développement qu’elle offre à la société comme les possibilités d’épanouissement qu’elle apporte aux individus, grâce aux capacités élargies d’accès aux biens, aux services, aux cultures. Cette mondialisation nous devons pouvoir l’orienter, en définissant les principes et en nous donnant collectivement les moyens d’une nouvelle gouvernance, capable de réguler les mécanismes du marché et d’encadrer les échanges. Cette action, dont la crise internationale a fait apparaître la nécessité passera par :
- L’encadrement et la régulation internationale des mécanismes du marché pour permettre à celui-ci de fonctionner de manière plus sûre, moins injuste et plus efficace. Il ne faut pas restreindre le marché, mais fixer un cadre dans lequel il pourra, parce qu’on en aura éliminé au maximum les perversions et les dévoiements, donner sa pleine efficacité. On devra réviser et renforcer les régulations du système bancaire, sur un plan international, contrôler la manière dont les banques et les opérateurs financiers agissent, faire que leur activité principale soit davantage tournée vers le développement de l’économie réelle que vers la spéculation, revoir les règles prudentielles. Et réexaminer les constructions sophistiquées qui deviennent de plus en plus abstraites et compliquées au point de n’être pas assimilables même par les principaux acteurs d’un système qui fonctionne dans le virtuel, à quelques uns… Mais dont les pertes, un jour, deviennent bien réelles pour tous. Il faudra enfin lancer une action coordonnée contre les paradis fiscaux, trous noirs qui servent d’abord à la prédation des richesses créées dans le cadre de l’économie réelle.
- Un rôle accru des organisations internationales est nécessaire. Démocratisons les organismes internationaux chargés de la santé, du travail, de l’éducation ou de l’environnement et faisons en sorte que leurs décisions revêtent le même caractère normatif que celles du FMI ou de l’OMC. Encourageons l’ONU à fonder, sur la base de propositions anciennes de Jacques Delors, un « Conseil de sécurité économique et de développement humain », qui aurait un rôle d’impulsion et de coordination des organismes spécialisés, ainsi que de règlement des conflits économiques et sociaux. A travers une nouvelle charte qui serait plus adaptées aux réalités du monde globalisé, l’ONU trouverait une nouvelle légitimité et de nouveaux moyens de remplir mieux sa mission.
- Le dialogue entre les institutions multilatérales et la société civile internationale doit être amélioré. Les grandes ONG mondiales pourraient être amenées à délibérer publiquement afin d’apporter avis et propositions aux organisations internationales. Elles peuvent jouer un rôle décisif, en favorisant un développement adapté aux besoins et aux capacités de chacun et pourront d’autant mieux remplir ce rôle qu’on aura facilité leur développement, par des incitations, des facilités d’intervention. Elles seront d’autant plus légitimes à le remplir qu’elles répondront aux exigences de transparence et d’évaluation démocratique que l’on peut attendre de tout acteur collectif.
La mondialisation ainsi orientée pourrait devenir le cadre d’une coopération internationale pour la paix d’abord, et nous devons soutenir toute initiative contribuant à renforcer l’ONU, ses capacités de décision et ses moyens d’action. Mais aussi, une coopération en faveur d’un développement équilibré et durable reposant sur la solidarité et la responsabilité.
- Nous ne pouvons accepter un monde dans lequel plus de 800 millions de personnes souffrent de malnutrition, où des millions d’entre elles meurent faute d’accès à des médicaments. Nous ne pouvons accepter de laisser des centaines de millions d’individus dans la misère, alors que nous avons collectivement les moyens techniques, économiques et financiers de remédier à cette situation. Nous devons apporter des secours d’urgence, élever le niveau d’une aide publique qui reste très faible, quand on sait que les capitaux envoyés par les immigrés du « sud » représentent le double de l’aide publique des pays riches au tiers-monde ou que la fondation privée de Bill Gates a dépensé en 2004 plus d’argent que l’OMS pour lutter contre les maladies qui ravagent les pays pauvres.
- La responsabilité qui est la nôtre implique de nouvelles formes de solidarité, pour assurer un accès plus général au développement et aux biens publics mondiaux. L’accès à l’eau potable manque à 30% de la population mondiale, 25 000 personnes meurent quotidiennement de manque d’eau, alors que quelques dizaines de milliards de dollars par an suffiraient, semble t-il, à résoudre le problème. Lançons une grande initiative contre les maladies infectieuses et le sida. Prenons les dispositions permettant le retour dans leur pays des immigrants hautement qualifiés, notamment des médecins africains, dont la moitié exercent hors d’Afrique. Il est urgent de permettre aux pays les plus pauvres d’atteindre l’auto suffisance alimentaire. Les accords de partenariat économique (APE), qui comprennent un accompagnement tendant à un investissement massif dans l’environnement technique et financier des petites et moyennes entreprises et des exploitations agricoles, constitue une avancée. Allons plus loin et plus vite.
- On l’a dit, un « plan Marshall » est nécessaire pour l’Afrique. Au-delà d’une aide financière accrue, ciblée dans le choix de ses destinataires et des canaux de sa distribution, doit se développer une logique de partenariat. Ce plan suppose une incitation à la mise en place de l’environnement politique, social et économique qui permettra au développement d’être durable et de profiter aux populations. Les raisons de la malnutrition et des famines, les obstacles au développement, sont davantage liés à des situations de guerre ou de conflits internes qu’à des raisons naturelles ou économiques. Sans paix civile il est illusoire d’attendre un progrès pour l’Afrique : les investissements ne s’y hasarderont pas, les aides seront gaspillées, les potentialités humaines écrasées.
Nous devons tout faire, avec les organisations régionales, pour favoriser la paix et la stabilité politique qui sont la condition des changements nécessaires. Au-delà, notre action doit favoriser des politiques de santé publique, d’éducation, de lutte contre la corruption et de mise en place d’une administration efficace, premier pas vers un État de droit, lui-même accélérateur de la croissance, quand il n’en n’est pas la condition. Ce n’est que si, avec notre soutien, des progrès se manifestent dans ces domaines, que les aides financières et techniques trouveront quelque utilité. Mais, ce soutien « qualitatif » est plus difficile qu’une aide économique, parce qu’il exige d’adapter nos interventions à la situation de ces pays, à leurs modes de vie et de pensée. Sachons respecter la diversité d’un monde qui en est aussi la richesse.
Tout ne doit pas reposer sur nous et les changements n’interviendront pas sans une participation et une volonté des pays africains eux-mêmes. Il est vain de penser que le progrès puisse se passer de la responsabilisation des populations concernées et de leurs gouvernants. On n’a jamais, dans l’Histoire, exporté ni la démocratie, ni le développement, ni l’épanouissement des populations.
- Faisant le choix de la croissance mais en l’accompagnant de préoccupations sociales, éthiques, environnementales, nous voulons la mettre au service du développement humain, en l’orientant vers une diminution des inégalités et de la précarité à l’échelle du monde, en limitant les risques et les nuisances liés aux effets mal contrôlés des progrès des sciences et des techniques, en protégeant les ressources de la planète. Favorisons les mécanismes du marché, mais encadrons les. Ouvrons nos marchés aux produits agricoles - sucre, arachide, fruits, café - venant des pays moins développés et reconnaissons leur un droit temporaire à un traitement différencié. Si nous savons la libéralisation des échanges bénéfique pour la croissance, nous devons en accepter des exceptions pour favoriser les plus pauvres. Sur ce terrain aussi « l’inégalité compensatrice » est préférable à une égalité formelle injuste dans ses résultats. Examinons, en tenant compte de ce problème, le soutien de nos exportations agricoles et les garanties de prix qui peuvent fausser la concurrence, comme certaines subventions à nos agriculteurs.
- Le développement doit s’engager sur un chemin nouveau. Nous réalisons que la rencontre entre le désir de surconsommation de la société et la recherche de profit immédiat qui anime certains de ses acteurs, a de lourdes conséquences sociales, et altère de manière grave notre environnement, jusqu’à mettre en danger notre planète. L’humanité à toutes les époques avec les armes et les méthodes de son temps, a toujours constitué un risque potentiel pour elle-même. Le progrès permis par son intelligence et son obstination possède aussi sa face sombre. Mais aujourd’hui nous prenons conscience que notre responsabilité s’étend dans l’espace et dans la durée et que notre modèle de développement ne peut, au risque de bouleverser les équilibres, être généralisé. Nous devons passer d’une société de l’excessif et de l’aveuglement à une société de responsabilité.
- C’est tout de suite que nous devons agir, ne laissons pas « les catastrophes être la seule manière que nous ayons d’apprendre », comme le dit Jürgen Habermas. Prenons garde, pour autant, à ne pas tomber dans un intégrisme écologique s’appuyant sur un catastrophisme généralisé et sur l’instauration d’un « principe de précaution » dévoyé dont l’application systématique en vue d’une illusoire élimination de tout risque conduit au refus du progrès, de toute avancée scientifique ou technique. Rien ne peut justifier l’emploi de techniques qui pourraient être destructrices de la biodiversité ou socialement néfastes, ou la mise sur le marché de produits potentiellement nocifs pour la santé. Mais on ne doit pas refuser la nouveauté au nom d’inquiétudes non étayées. Nous devons résister à ces mouvements irrationnels, mêlant la préoccupation légitime de l’avenir à la peur irraisonnée du nouveau et confondant la lutte pour le progrès social avec l’exaltation d’un système où tout serait administré d’en haut, au nom de la lutte contre « les excès du libéralisme ».
- Engageons-nous dans une politique de protection des ressources naturelles, d’économie d’énergie fossile, principale responsable de l’effet de serre et dont la pénurie se prépare, et dans l’analyse rationnelle, et sans à priori, des meilleurs choix des sources d’énergie, en fonction des situations du moment et prévisibles à moyen terme. La recherche dans le domaine de l’énergie, comme des transports, est du domaine du développement et implique une participation de l’industrie. La position défensive, vis-à-vis des menaces sur l’environnement, ne peut suffire, les propositions de limitation de la croissance doivent être évitées, c’est d’une politique offensive dont nous avons besoin, basée sur la recherche et l’innovation. Ce n’est pas l’immobilisme craintif ou le retour en arrière, qui nous apportera la solution, mais bien les efforts, intellectuels, économiques, financiers pour aller de l’avant. Ce sera le meilleur moyen, même s’il est coûteux dans un premier temps, de répondre aux dangers qui nous menacent et menacent notre planète. C’est tout un secteur de recherche et d’industrie qui s’ouvre devant nous, il pourra donner à l’Europe des opportunités de développement et d’emploi.