La Réforme juste,
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Autres textes :Le Manifeste Pourquoi le social-libéralisme ? |
L’État a dans notre pays une place si importante que toute volonté de réforme globale, doit commencer par une rénovation de son rôle et de son fonctionnement.
L’Etat doit rester un acteur essentiel, les Français y sont attachés et rien de solide ni de juste ne peut se construire avec un Etat faible. Il doit assumer avec autorité les fonctions régaliennes. Face aux dérèglements épisodiques du marché, comme à ses excès, face aux incertitudes liées à l’accélération des mutations mondiales, aux risques d’atomisation sociale, l’Etat est un irremplaçable pôle de cohésion, de stabilité et de sécurité. C’est à lui que revient la responsabilité de donner une perspective globale et les impulsions stratégiques. Il lui appartient de remplir un rôle moteur d’investisseur social dans les domaines qui engagent l’avenir, comme l’éducation ou la santé. C’est lui aussi qui reste le recours en cas de circonstances exceptionnelles, où il doit pouvoir intervenir de manière directe.
En dehors des domaines régaliens et des circonstances exceptionnelles, l’intervention régulière, notamment dans le secteur économique doit être mieux ciblée et souvent réduite. L’Etat central ne peut plus être le seul acteur de la régulation, il doit se faire moins présent, moins interventionniste, et laisser un rôle important aux acteurs sociaux, aux collectivités locales, aux entreprises, à la société civile organisée.
- En concentrant ses moyens sur ses priorités, l’Etat doit savoir se dégager de certaines missions qu’il a pu remplir avec des résultats positifs, mais que l’évolution technique et sociale amène à confier à d’autres. Cela concerne à l’évidence le secteur économique, où la culture administrative et l’organisation bureaucratique sont en contradiction avec les nécessités de souplesse, de rapidité, d’innovation que les règles du marché et de la concurrence imposent. Il doit tendre à ne faire que ce qu’il peut mieux faire ou de manière plus équitable que d’autres. Il doit savoir déléguer, « faire faire » plutôt que faire, agir davantage par l’incitation que par la réglementation, dans le respect de ses missions stratégiques: orienter, réguler, évaluer et contrôler. En 1985 déjà, Michel Rocard évoquait ainsi le rôle de l’Etat « moins de règlements, plus de négociations ; moins de lois, plus de contrats ; moins de tutelles, plus de responsabilité : voilà l’équilibre qu’il faut trouver pour conjuguer modernisation et solidarité ». Ce discours garde toute sa pertinence, son application est seulement devenue plus urgente.
- Dans la situation de concurrence généralisée à laquelle la mondialisation nous expose, la diminution des dépenses publiques et des prélèvements, est une nécessité. La France ne pourra pas s’accommoder longtemps de la contradiction entre l’appartenance à un marché ouvert et la persistance de prélèvements supérieurs à ceux de nombre de ses concurrents, lorsque l’efficacité de ces prélèvements n’est pas toujours assurée, comme c’est le cas aujourd’hui. La réduction de la dépense publique contribuera à nous faire retrouver des marges de manœuvre à utiliser pour les dépenses sociales et les investissements d’avenir, comme elle rendra possible la diminution des déficits et de la dette.
Pour parvenir à conjuguer le service de l’intérêt général avec le sens de l’efficacité, tout en pesant moins sur les dépenses publiques, l’administration doit évoluer dans son organisation et ses méthodes. Trop d’énergies sont stérilisées dans une organisation lourde et complexe, ne sachant pas motiver ses ressources internes, constituée en citadelles cloisonnées, interdisant la mobilité et rendant difficile toute coopération. Une gestion prévisionnelle des emplois s’impose, on doit pouvoir redéployer les effectifs des secteurs excédentaires vers ceux où des besoins existent, ce qui exigera un abandon de la gestion par corps qui est un frein à toute mobilité. La Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) consistant à réorganiser l’administration en recherchant des sources d’économies, de rationalisation et d’efficacité, doit être poursuivie. Un contrôle accru des gaspillages doit exister, en faisant pratiquer des audits externes et en donnant plus de force contraignante aux rapports de la Cour des Comptes. En traquant tous les doublons, toutes les redondances administratives, tous les dispositifs obsolètes, toutes les dépenses, enfin, dont l’utilité au service des citoyens n’est pas strictement démontrée.
L’initiative, la créativité, l’implication, doivent être encouragées et avoir plus de poids que l’ancienneté dans la rémunération et le déroulement d’une carrière. La motivation sera stimulée et récompensée, les indicateurs de résultats systématisés. Les administrations ont un devoir de performance en contrepartie d’une autonomie qui doit être plus grande. La gestion par projets ainsi que les contrats par objectifs, la responsabilisation des gestionnaires sur des enveloppes globales de crédits pour permettre une meilleure maîtrise de la dépense, devraient être plus souvent envisagées. L’ensemble de ces changements contribuera à une modernisation du statut de la fonction publique qui dans une perspective d’équité, d’harmonisation européenne et d’efficacité doit se rapprocher progressivement de celui du secteur privé, rien ne justifiant les différences qui existent aujourd’hui et isolent la fonction publique du marché du travail, en dehors de certaines fonctions d’autorité qui nécessitent un statut spécifique.
Il faut être clair, la taille de la fonction publique devra décroître durant plusieurs années, non seulement pour alléger les coûts publics, tout en rétribuant mieux les agents, mais aussi parce que c’est une condition pour que l’Etat gagne en efficacité. Un des paradoxes français réside dans l’existence d’un État à la fois omniprésent et sans efficacité suffisante. Une administration moins nombreuse et réorganisée, serait plus réactive, plus efficace. Pascal Lamy a mis l’accent sur « la disproportion entre le volume de l’État…et ce qu’il produit », dénonçant « un très gros État qui coûte très cher mais qui marche mal. » Un État qui n’est pas puissant mais obèse. Il arrive un moment où l’augmentation des effectifs, non seulement n’a plus d’effet bénéfique mais devient un poids, entrave la réactivité, multiplie les tâches internes, les pertes de temps et d’énergie, les double emplois. Aucune politique de réforme et de croissance ne peut être menée en France sans une réorganisation drastique de la fonction publique, qui conduira à une réduction significative de sa taille. Elle touchera particulièrement les ministères pléthoriques, comme celui de l’économie et des finances[1], et là où on a préféré augmenter la quantité de personnels que se livrer au devoir d’intelligence des questions posées qui sont qualitatives, ceux aussi dont les responsabilités et les populations concernées ont été réduites par le temps et les évolutions technologiques comme celui de l’agriculture. Certes, les enseignants exercent, dans des conditions souvent difficiles, leur métier, avec beaucoup de dévouement, mais l'Education nationale pourrait mieux fonctionner avec un mode d’organisation différent, plus économe en personnel, plus efficace pour sa mission[2]. La police elle-même, et la gendarmerie pourraient libérer des milliers d’heures de gardes statiques ou confier des charges comme le transfert des détenus à des sociétés privées agréées qui le feraient aussi bien pour un coût moindre. A l’heure de l’Euro et du rôle de la BCE, les effectifs de la Banque de France peuvent être réduits, et combien d’administrations sont dans le même cas qui ont vu leurs missions transférées à d’autres niveaux, Europe, régions, départements … Le ministère de l’équipement emploie des dizaines de milliers d’ouvriers, sans que la mission de l’État ne l’exige. Et cela est valable pour d’autres fonctions : est-il besoin d’être fonctionnaire pour trier des colis, être informaticien, chauffeur ou standardiste dans un ministère ? Facilitée par le nombre important de fonctionnaires devant partir à la retraite dans les années à venir, encore faut-il que, pour se faire dans de bonnes conditions, cette réduction soit liée à des réorganisations, à l’introduction de nouvelles méthodes, à un effort de formation, à des aides au reclassement. Cette politique ne vise en rien à désigner les fonctionnaires à la vindicte publique, ni à faire porter sur chacun d’eux individuellement une responsabilité qui a été celle des gouvernants. Elle vise à rendre au service de l’État toute son efficacité et donc toute sa noblesse
- Cette réorganisation de l’administration doit permettre une réforme de la fiscalité d’État qui doit, sur le long terme avoir tendance à diminuer, notamment pour les entreprises. Elle doit être plus simple, plus facilement compréhensible, incitative pour la protection de l’environnement, plus juste et permettre aux plus aisés de participer davantage qu’aujourd’hui à l’effort commun. Nous proposons que soit étudiée l’introduction d’une flat-tax, par exemple, sous la forme de l’extension de la CSG, impôt plus équitable que la plupart des autres. Les niches fiscales doivent être strictement limitées et globalement plafonnées.
- La décentralisation est une des conditions de la modernisation de l’État, de l’approfondissement de la démocratie, du bon fonctionnement des services publics. Elle permet de mieux cerner les besoins, de répondre à l’aspiration des populations à maîtriser leur destin, alors que l’État central ne dispose pas des meilleurs moyens pour adapter son action aux particularités locales, même s’il doit conserver une capacité d’examen de long terme et de vision large. Les régions ne pourraient-elles pas voir leurs compétences devenir majeures dans les domaines non régaliens, tels les transports, le logement, la santé, l’éducation et la formation, l’environnement, la politique culturelle, dès l’instant où l’État veillerait au nécessaire transfert de richesses entre les divers points du territoire ? Mais dans tous les cas, ces compétences devront être spécialisées selon les collectivités et non se superposer ou s’enchevêtrer, comme c’est le cas aujourd’hui ce qui nuit à l’efficacité. Les co-financements seront limités.
Les régions devraient disposer de moyens supplémentaires et d’une grande autonomie dans leur utilisation. Ce développement des capacités financières s’accompagnera d’une réforme d’une fiscalité locale devenue un « maquis inextricable », en envisageant la spécialisation des taxes par collectivité, des règles de transparence et des modalités de contrôle à posteriori notamment par les chambres régionales des comptes. Les collectivités locales auront toute latitude pour collaborer et contracter avec d’autres entités territoriales, y compris européennes, rechercher toutes sources de financement, rétrocéder au privé, sous condition d’évaluation et de contrôle, une part de l’exécution de leurs missions.
On se dirigera vers une progressive rationalisation des niveaux institutionnels qui aujourd’hui s’imbriquent et se contrarient. On peut, pour disposer de régions suffisamment fortes, inciter au regroupement de certaines d’entre elles. Le développement des structures intercommunales a été un élément positif et concerne aujourd’hui plus des trois quarts de la population française. Il convient d’inciter à la poursuite de leur développement, de permettre l’élection au suffrage universel de leurs exécutifs, d’élargir leurs responsabilités. On réexaminera le rôle des départements. Si leur suppression ne peut intervenir à court terme, pour des raisons politiques, on peut envisager des regroupements entre départements, entre départements et région, voire en faire évoluer certains vers une structure de gestion des systèmes sociaux de proximité dépendant de la région. On peut envisager aussi la fusion, dans certains cas, entre conseils généraux et établissements inter communaux.
Il n’est pas souhaitable d’imposer des solutions uniques, l’uniformité administrative ne doit pas être un dogme. Les expérimentations peuvent être un levier du changement et de la modernisation. Des structures différentes, des découpages, des fusions, des initiatives diverses, pourront être proposés en fonction des situations locales ou des attentes des populations, et seront publiquement évalués.
La diversité peut être en elle-même créatrice de progrès et de richesse, si elle n’est pas prétexte à l’inégalité et à l’égoïsme, pourquoi vouloir faire rimer égalité et uniformité. C’est la rigidité, l’uniformité de principe, impossible à satisfaire dans la réalité, et le refus de s’adapter à la diversité des situations qui créent souvent les injustices.
Ce respect de la diversité n’empêchera pas l’échelon central de se mobiliser prioritairement pour les territoires cumulant les handicaps. Il faut mettre en œuvre une péréquation des moyens permettant la solidarité entre territoires riches et territoires moins favorisés. La responsabilité et la solidarité sont ainsi les principes autour desquels se développera la décentralisation : pouvoirs accrus qui pousseront à la responsabilité, péréquation équitable qui permettra la solidarité.
Pour montrer sa volonté de favoriser cette évolution décentralisatrice l’État pourra recourir à des mesures de déconcentration. Certains ministères pourraient s’éloigner du centre de Paris, ou s’installer en province. On pourra aussi procéder au regroupement régional de services départementaux. Les sous-préfectures, seront, en concertation avec les collectivités locales, progressivement supprimées.